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Jamais sans mon chien!

Pistage: Traînée, effluves et temporalité

Publié le 7 Janvier 2018 par Philippe Roustant

Dernièrement, j'ai été contacté par Michel Domage, que l'on ne présente plus pour son implication dans toutes les formes de pistage avec plusieurs races de chien.Une légende!

Il souhaitait discuter avec moi de certaines constatations troublantes sur le travail des chiens de son équipe en piste et notamment sur le fait qu'ils étaient capables lors d'un croisement fait par le même traceur revenu sur ses pas de suivre le SENS du tracé. En l'état actuel des connaissances sur les effluves et la traînée, que vous trouverez regroupées ci dessous, nous nous interrogeons sur une nouvelle dimension encore peu explorée: La temporalité!

Voilà l'état de nos constatations et de nos cogitations:

 

"Le déplacement d'un homme sur un terrain génère un dégagement d'odeurs.
Si l'on suppose des conditions de température, d'hydrométrie et de vent moyens sur un sol normalement pourvu en végétaux,
Cette piste se composera de plusieurs éléments distincts.
D'une part des molécules odorantes directement issues du traceur (sueurs, shampoing, savon, odeurs de lessive, de nourriture,odeurs de vêtements, de chaussures...etc...)
Ainsi que des squames de peau (environ 500 par mètre pour un individu marchant à 5 km/h)
Ces molécules se déposent sur le sol comme une traînée de fumée qui tarde à se déposer en se dissipant.

La seconde composante du tracé de la piste est constituée d'un ensemble d'effluves issues du foulement du sol:
-Des constituants du sol broyés qui libèrent des particules chimiques.
-Des micro-organismes tués par l'écrasement des pas.
-Des essences végétales dégagées par les plantes broyées.
Puis, au bout d'un certain temps, des odeurs issues de la putréfaction des végétaux et des petits animaux tués parle foulement.
Les bactéries du sol dégradent alors ces débris organiques en produisant divers composants odorants (nitrates, phosphates,ammoniaque, dioxyde de carbone).
La signature olfactive de la piste sera donc fonction du mélange plus ou moins homogène de ces différentes molécules etelle va varier au fil du temps!

Au cours de la première demi-heure c'est essentiellement un mélange d'essences végétales et d'odeurs humaines qui prédomine.
Au cours de la deuxième demi-heure les odeurs humaines se fixent de plus en plus au sol pour devenir majoritaires entre la première et la deuxième heure et vont ensuite diminuer graduellement pendant que les odeurs de putréfaction végétalevont augmenter jusqu'à devenir prédominantes vers la 4ème heure. Elle le resteront pendant près de 20 heures bien qu'elles
 diminuent progressivement.
Au delà de 24h il ne reste plus qu'une infime trace odorante de ce passage même si l'on peut encore relever des traces physiques du passage du traceur (empreintes sur sol meubles, plantes brisées...etc...)

Lorsque le chien piste, il utilise ses 220 millions de cellules olfactives (5 millions chez l'homme) et traite l'information grâce à ses cellules cérébrales dévolues à l'olfaction , 40 fois plus nombreuses que chez l'homme.
Il dispose aussi d'un organe olfactif supplémentaire appelé voméronasal (organe de Jacobson) qui a pour fonction d'amplifierles odeurs perçues.
Plusieurs spécialistes s'accordent à dire que cet appareil olfactif surdéveloppé lui assure un odorat 1 million de foisplus sensible que celui de l'homme.

On pense qu'il localise la source odorante par les infimes différences de temps et d'intensité des stimulations perçues par les deux narines. Ces deux éléments dépendent de la vitesse de l'air expiré mais aussi de la distance séparant le nez du chien du tracé.

C'est cette particularité qui permet d'entrevoir une dernière composante de la piste: La temporalité!
En effet, on constate qu'un chien expérimenté abordant une ligne de façon perpendiculaire est capable de déceler instantanément le sens du tracé qu'il aborde.
Il est essentiel de comprendre que le chien est un prédateur capable de traquer un gibier pour le tuer et le consommer.
Dans cette optique, il est essentiel qu'il dispose de la faculté d'identifier le différentiel de temps existant entre les effluves du tracé qui lui parviennent par la narine droite et celles qu'il perçoit par la narine gauche.
En effet, c'est de cette qualité unique que dépend le fait qu'il s'engage bien à la poursuite du gibier et non pas vers le point d'origine du déplacement.
En pistage de compétition, on savait déjà qu'un chien est parfaitement capable de débrouiller deux tracés posés par le même traceur avec un différentiel de temps. C'est le cas, par exemple, d'un pisteur FCI qui poserait sur sa piste froide, une fausse piste chaude!
Si l'on veut bien comprendre comment il procède il suffit de s'imaginer que le premier pas d'une piste a été posé à un temps de référence que nous appellerons T0. Le premier pas sera posé à T0 + 1seconde, donc T+1, le deuxième pas à T+2, le 3ème T+3...etc...
Au moment où le chien s'engage sur la piste, il mémorise instantanément le cocktail d'odeurs résultant du mélange entre les molécules de traînée (issues du traceur ) et celles venues du sol broyé.
Mais il mémorise AUSSI le temps de référence...et il va suivre pas à pas le tracé en vérifiant la concordance d'odeurs et la continuité temporelle. Si le traceur, à l'issue d'un rectangle est  revenu sur son tracé initial en le coupant, le chien est capable de ne pas s'engager sur le tracé qui recoupe la piste ,simplement parce qu'il détecte une discontinuité temporelle entre les deux tracés!
En clair, s'il est en train de relever et de suivre les empreintes posées à T+25, T+26,T+27 et qu'il croise une ligne porteuse d'une temporalité supérieure (T+112,T+113...), il ne s'y engage pas et poursuit sa ligne.

Michel Domage et Philippe Roustant

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