Les rappels

Les rappels:
Je dis bien "les" car, bien sûr, il y en a plusieurs!
Dans sa vie, un chien de travail va tous les apprendre successivement et les maîtriser un par un.
"si vous voulez que votre chiot vous soit attaché, ne l'attachez pas!", disait Buffon .

Le premier qu'il va apprendre c'est son nom, suivi de "Viens!". En fait , il le connaît déjà puisqu'il revenait à l'appel de sa mère (vocal ou postural) mais il va rapidement mémoriser quel mot nous employons pour cette action. Ce transfert se fera d'autant plus aisément qu'il sera renforcé de la même manière: La nourriture qui lui est fournie après avoir rejoint sa mère ou son maître. Les plus maladroits ou les plus angoissés pourront toujours demander à l'éleveur quel mot exact il employait pour faire venir ses chiots à la gamelle: succès assuré de la transition éleveur/ conducteur!
J'ai souvenir d'un jeune beauceron que j'avais acheté à une éleveuse qui désirait se réserver un droit de saillie. Le chien n'avait jamais revu son éleveuse qui, entre temps, avait déménagé . Lorsque je l'ai sorti de la voiture dans un lieu totalement inconnu de lui, il s'est comporté de façon complètement naturelle...jusqu'à ce qu'il entende "P'tit loulou, P'tit loulou" au fond de la propriété...Il s'est mis à trembler de tout son corps et s'est lancé comme un fou en direction de la voix qu'il n'avait pas entendu depuis 2 ans, pour se jeter dans les bras de son éleveuse. Par la suite, j'ai repris cette expression qui avait le don de le mettre dans tous ses états avec la garantie de le voir revenir au triple galop. Exemple de la puissance d'un premier conditionnement réussi!

Le deuxième rappel dont il aura besoin est plus flou et pourtant plus impératif: Il concerne un ordre qui revêt une triple signification: "Au pied!"
En effet, ce commandement signifie à la fois:
-Viens ici !(depuis une courte distance)
-Mets toi en position assise contre ma jambe gauche! (avec ou sans contact contre la jambe, avec ou sans la tête levée suivant les disciplines).
-Suis moi comme mon ombre en conservant cette position!
Cet ordre triple sera efficacement inculqué avec de la nourriture en leurrant la position correcte.
La seule façon qu'a le chien de discriminer ces trois significations est l'analyse de la situation. Bart Bellon insiste sur la nécessité de sanctuariser cette position: Une fois là, il ne peut plus rien vous arriver.
C'est très important; ça signifie qu'on ne peut jamais punir ou réprimander un chien qui se place dans cette position! Pour pouvoir lui reprocher quelque chose, vous devez le remettre dans le contexte de l'action fautive et/ou vous écarter vivement de lui.
La conséquence directe est que, si le chien marche imparfaitement au pied, on doit agrandir son erreur (= s'écarter de lui) avant de le réprimander.
En suivant ce principe simple, on comprend qu'on ne peut pas réprimander à son arrivée un chien qui revient tardivement ou trop lentement; Soit on l'accélère avec une promesse de récompense, soit on intervient avec une longe avant qu'il arrive jusqu'à vous.
Le troisième rappel qu'un chien va apprendre à connaître, c'est le "rappel de joie".
Il ne s'agit pas d'un apprentissage direct mais d'un conditionnement passif. Une fois que le "Viens!" du premier rappel est maîtrisé grâce à la nourriture, on va introduire un commandement spécifique associé à une récompense secondaire extrêmement valorisée (récompense sociale, séquence de jeu, mordant...). Je l'utilise lors des rappels longue distance avec une course folle et une séance de mordant sur moi à l'arrivée. La règle d'or est que, toute la vie du chien, cet appel signifiera l'obtention de quelque chose de très agréable.
En lisant ce qui précède on pourrait facilement conclure que le rappel ne peut s'obtenir que par des méthodes positives et que celles ci sont garantes d'une fiabilité à toute épreuve. C'est faux!
La totalité des chiens dont les rappels n'ont toujours été obtenus et soutenus que par une récompense, sans autre forme d'apprentissage, sont soumis à ce principe simple: La vie offre toujours une récompense potentielle plus forte que celle que leur maître peut leur offrir (gibier, chat, bagarre, femelle en chaleur...etc...) et le chien, cet opportuniste total, choisira toujours la promesse de récompense la plus excitante....sauf...
Sauf s'il connaît le quatrième rappel. C'est un rappel sous forte distraction qui ne souffre aucun délai ni aucune distraction parce qu'il met en balance une sanction équivalente à la tentation.
Je connais beaucoup de chasseurs qui n'ont que ce rappel là. La raison en est simple: s'ils ne rappellent pas leurs chiens qui part après un sanglier sans que les conditions favorables soient réunies, ceux ci vont mourir!
La plupart d'entre eux utilisent bien sûr un collier électrique mais ils ne sont pas les seuls: Beaucoup de conducteurs d'obé ou d'agility en utilisent également mais exclusivement pour le rappel lorsque les conditions peuvent être dangereuses pour un chien qui ne revient pas à tous les coups.
Ce n'est pas ma façon de faire...Je préfère dresser ce rappel particulier en y introduisant une dose importante de devoir.
Je commence à travailler cette notion uniquement quand mon chien revient systématiquement à mon appel en conditions normales (hors forts stimuli).
Je travaille toujours dans un espace clos, plus petit qu'un terrain de travail.
J'attache une longe au cou du chien et je la laisse traîner au sol . Puis je demande à un assistant de déclencher, à l'extérieur de l'enclos, un stimulus perturbateur (qui deviendra de plus en plus intense au fil des leçons :chien qui aboie, chat en cage, poule, lapin, femelle en chaleur, compagnon habituel de jeu, personne qui l'appelle...etc...).
Bien que séparé de l'objet de son désir par une clôture, mon chien va immédiatement courir dans sa direction. C'est à cet instant que je vais le rappeler sèchement et que, pour la première fois, il va me désobéir.
Il est important pour ma crédibilité que je ne l'appelle qu'une seule fois! C'est d'ailleurs vrai pour la totalité de mes ordres...
Dès lors qu'il reste sourd, je vais marcher dans sa direction et le réprimander très brièvement (2 secondes) avec une intensité proportionnelle à son caractère. Dès que c'est fait je me détourne, je m'éloigne, et je l'appelle à nouveau. S'il vient je lui fais la fête. S'il ne vient pas, c'est que le stimulus était mal dosé et doit être reconsidéré.
Au fil des leçons, il peut arriver que mon élève tente de m'éviter quand je viens vers lui. Il me suffit dans ce cas de marcher sur la longe et de remonter jusqu'à lui sans jamais la prendre en main, car il doit penser que ce n'est pas moi qui le tient en longe.
Petit à petit , je vais travailler sur un plus grand terrain avec des stimuli de plus en plus forts et je vais même enlever la longe pour que le chien pense qu'il peut facilement m'échapper. Le jour où celà se produit (et c'est toujours une fois où je l'ai prévu) , je vais le traquer dans tout le terrain, très calmement, sans relâche (exactement comme les indiens traquaient, à pied, les mustangs qu'ils désiraient capturer) à travers tout le terrain pendant le temps qu'il faudra pour que je mette la main sur lui et que je procède de la même manière que d'habitude, sans aucune colère ni signe d'impatience avant de lui tourner le dos et de l'appeler gentiment pour le récompenser.
Placé en milieu ouvert, la majeure partie de ce conditionnement perdure et le chien sait que céder à une sollicitation interdite conduit nécessairement à une punition alors qu'obéir n'offre que des avantages.
En situation réelle, il importe avant tout de voir les problèmes arriver avant lui, ce qui est facilité par le fait que nos yeux soient à une hauteur bien plus élevée que les siens.
Si, par malheur, le chien est déjà parti comme une flèche au moment où vous réagissez, votre commandement de rappel risque fort de passer à la trappe!
La solution restante est de tenter un "couché" car c'est un conditionnement connu dans toute situation de dressage (ou qui devrait l'être!) : Se coucher en pleine course quand on court à la poursuite d'une balle.
Et, dans tous les cas, ne réprimandez jamais un chien qui finit par revenir, même très longtemps après!